samedi 18 août 2012

Ci Vis Pacem, Para Bellum

Reprenons où je vous avais laissés: au départ de Sucre.
Nous avons donc quitté Sucre et ses dames venant mendier dans les magasins (à qui j'ai remis ma mandarine) pour un trajet nocturne jusqu'à La Paz, en bus-lit, première classe1 style mesdames et messieurs.
Pas d'enlisement cette fois-ci, je termine le Voyage et un Boris Vian qui traînait dans mon sac. Sur les coups de une heure ou deux du matin, le bus s'arrête au milieu d'un village un peu désert et on descend pour la pause pipi... sans toilettes. Du coup, avec S. on s'éloigne un peu vers un arbre dans une rue large mais non éclairée relativement proche. Comme toujours, on est entourés de chiens, sauf que ceux là sont d'humeur à aboyer et moi d'humeur à les exciter en leur répondant. C'est marrant jusqu'au moment où on réalise que ces abrutis, en plus d'être gros sont malins et se sont regroupés à quatre pour nous couper la route vers le bus, grognent de plus en plus fort et finissent par appeler en renfort leur espèce de chef de meute qui surgit de derrière un mur d'environ deux mètres pour nous foncer dessus. Trouillard et stupide, je tente de passer les lignes ennemis et me fait happer le mollet par l'un des chiens. L'épaisseur du jean et le mouvement l'ont empêché de me saisir, mais j'ai quand même, en plus d'une égratignure une petite balafre en haut du mollet. L'adrénaline aidant, ça me fait bien rire. On désinfecte et on repart.2

Arrivée à La Paz après une nuit blanche dans les bus de plus (en tout cas pour moi3), on commence en douceur en se faisant voler le sac à dos de S. pendant qu'on cherche une auberge dans le guide. Le truc ouf' c'est qu'en prenant, dépités, le taxi vers notre auberge, on croise le mec qui nous avait bousculés un peu plus tôt et qui porte le sac en question. Comme c'est un vieux et qu'on est quatre à sortir du taxi, plus le chauffeur qui nous propose d'appeler la police, il fait pas d'histoire et rend gentillemment le sac avant de tenter de s'éclipser rapidement en taxi (au cas où on appellerait effectivement la policía locale.

Sur ces péripéties justifiant le titre de ce message, on arrive à l'auberge, laisse nos sacs parce qu'il n'est que 8h, on va prendre un gros petit-déjeuner dans un restaurant de la rue pour touriste (pleine d'agences de voyages et d'organisation d'excursions) et on se sépare, les filles allant se balader et s'installer à l'auberge, les deux boiteux allant chercher des soins dans une clinique de l'autre côté de la ville. Là-bas, on apprend que l'ongle de S. est quasiment guéri, et que je n'ai pas besoin de me faire vacciner contre la rage car la plaie n'est pas assez profonde. Cool. ceci dit, j'ai encore la marque de la grande balafre quatre semaines plus tard, et j'ai eu droit à l'apparition d'un hématome qui est passé par toutes les couleurs. Mais bon, on a rien sans rien, hein.
L'après-midi est consacrée à trouver un endroit pas trop cher pour manger (raté, on finira dans un restau à tarifs moyens — ceci dit en Bolivie, prix moyen c'est 5€, hein — qui a eu l'ambition de me servir un steak sauce Roquefort — raté aussi, c'était pas mauvais, mais c'était pas du Roquefort! ) et d'aller glander au ciné.
on se retrouve dans un premier temps à la Cinemateca qui a apparemment un budget confortable, sans doute grâce au fait qu'ils passent des films populaires (Spiderman, Batman ...). On opte pour un film d'art et essai uruguayen, La vida útil, qui aura mis K.O. L. et S. : c'est un film sur la fermeture de la cinémathèque de Montevideo qui dérape en méta-film hommage au cinéma. Mais c'est très lent (bien que court, seulement 1h). Pas exceptionnel, mais j'ai trouvé ça intéressant. Ceci dit, le groupe est globalement déçu de l'expérience, ne serait-ce que par la dure du film, du coup on décide d'aller jeter un coup d'œil au multiplexe un peu plus loin et on se fait le dernier Woody Allen, qui fait du Woody Allen, ni plus ni moins. Un bon moment4, mais pas du cinéma révolutionnaire.

Le lendemain, après une grasse matinée (levé 10h!) méritée, on se balade en ville (et on continue d'halluciner sur les fils électriques dans tous les sens, les bâtiments à moitié construits et les maisons à fleur de montagne) avant d'aller au musée d'Ethnographie et Folklore. Je suis pas particulièrement intéressé par l'histoire des différents motifs de tissus, mais je dois reconnaître que la multitude de significations (chaque peuple a ses propres motifs et leur signification, le pays comptant une multitudes d'ethnies différentes) des tissus donne un panorama impressionnant de la richesse et diversité culturelle du pays. Comme à Sucre, il y a une salle dédiée au masque, et on retrouve le personnage chargé de danser pendant trois jours jusqu'à la mort d'épuisement (c'est un statut honorifique, le jeune homme est choisi parmi les plus valeureux et se doit passer la nuit avec une fille vierge la veille de la danse). À noter qu'il se créé encore de nouveaux personnages de danse, la tradition n'est pas figée.
On traverse les salles poteries (et sa frise comparative des découvertes et avancées technologiques dans les différentes aires culturelles mondiales — en Méditerranée, on est des attardés sur à peu près tout). S'ensuit une galerie retraçant l'histoire de la Bolivie de son peuplement (et ses deux hypothèses: à pied par le détroit du Beiring ou en bateau depuis l'Océanie, les deux semblant bien étayées et pouvant coexister). Une brève partie art contemporain est plutôt bien faite en fin de visite.
Une pause goûter, et direction le point de vue Kilikili qui offre une vue surplombante sur la ville et permet de constater à quel point la ville est cernée par les montagnes qu'elle escalade, s'étendant jusqu'au sommet des crêtes. C'est impressionnant et plutôt jolie, d'autant que tout est à peu près de la même couleur brique5.
Après un tour de quelques librairies où j'ai la flemme d'acheter des bouquins boliviens qui ont pourtant l'air intéressants (entre autre parce que je n'ai toujours pas lu ceux que j'ai ramenés d'Irlande en 2008), on rentre à l'hostal, dîne, rencontre une amie des fille de façon improbable et voilà.

Nous passons les deux jours suivants à Coroico, ce qui fera l'objet d'un autre post.

De retour le mercredi soir à La Paz, on réussit en se démenant un peu à trouver une avant-première (les films sortent le jeudi en Bolivie) en anglais sous-titré du nouveau Batman. On fait les gros au Burger King avant (comme annoncé par S. : meilleur que MacDo, moins bon qu'un B.I.A., mais franchement décent pour un fast-food. En terme de goût en tout cas. Après les principes, j'dis pas...). Batman: trop bon moment, surtout parce que quand même, j'l'attendais celui-là. Bon il est quand même moins bien que The Dark Knight, mais c'pas grave c'était une bonne soirée.
Le lendemain, on fait un tour à la feria de l'Alto (quartier perché de La Paz), où on peut trouver d'absolument tout, de la nourriture au matériel de bricolage en passant par des clés USB, des livres et des chaussures. On passe la soirée dans un bar reggae sympa où je goûte le white russian de S. . Une fois passé le goût d'alcool, c'est pas mauvais. Mais pas assez pour me convertir en alcoolique.
Le vendredi est dédié à la visite de Tiwanaku, ensemble de temples en ruine, du nom de la civilisation pré-inca les ayant bâtis. C'est globalement joli, mais j'ai quelques suspicions sur l'affirmation du guide qui indique dans certains motifs de la Puerta del Sol locale la présence des nombres 52, 12, 7 et 24 qui correspondraient aux semaines de l'année, mois de l'année, jours de la semaines et heures du jour. Déjà parce que les regroupements me paraissaient suspect et puis parce que le coup de la civilisation ancestrale tombée pile poile sur la même configuration que le calendrier grégorien (ou le découpage en semaines et mois est à peu près arbitraire — ou en tout cas plus lié à des facteurs historiques et humains qu'astrologiques). En plus notre guide n'est pas très intéressant, voire particulièrement agaçant: sa langue maternelle n'étant visiblement pas l'espagnol (là-dessus pas de problème), il répète inlassablement la même formule ("lo que vamos a poder observar" — "ce que l'on va pouvoir observer" ). Bref. Sinon, les trucs intéressants: les murs des temples ne sont pas tous construits avec les mêmes pierres, les plus exposés aux vents étant construits avec des pierres plus robustes; Evo Morales s'est vu reconnaître le pouvoir ici; trinité du monde représentée par le poisson, le puma et le condor. Et d'autres trucs dont je ne me souviens plus et que je n'ai pas notés.
Le retour se fait le ventre vide puisqu'on avait pas anticipé le prix (élevé) de l'entrée et qu'on est donc tous fauché.
S. et moi ressortons manger un burger après le repas qui nous a paru trop léger. Le burger en question coûtait 20 bolivianos, la palta (avocat) étant en supplément. Sauf qu'au moment de nous faire payer, le serveur nous annonce 40 bolivianos par burger. Ce qui correspond soit à deux burger, soit à un burger avec accès illimité au "salad bar". Du coup on grogne et on obtient de payer 20 bolivianos nos burger. Tentative d'arnaque de touristes du soir, bonsoir.
Au lieu de retourner au bar pour écouter de la musique comme c'était prévu, on joue au Yam's jusqu'à 2h du matin. Beaucoup plus raisonnable. J'avais prévu de partir le lendemain matin pour l'Isla del Sol, mais la nuit et pas l'envie de partir font que je reste encore la journée pour regarder avec eux le défilé La Entrada de los Estudiantes, longue procession d'étudiants regroupés par université et par département où chaque cortège choisi une dans traditionnelle et descend le Prado (surnom de l'avenue principale) en... dansant! (Surprise!)
C'est plutôt joli, mais lassant au bout de quelques heures. Du coup on va manger dans un restaurant populaire à 1€ le déjeuner (suffisant), on se prend café/chocolat chaud dans un bar plus "touristique" en jouant au Yam's (again). J'aligne les scores d'effronté, puis je me sépare du groupe6, direction le lac Titikaka. Ce qui fera l'objet d'un autre billet.

De retour à La Paz, avec pas grand chose à y faire, de la fatigue dans les pattes et un bus pour Arica à 6h le lendemain, je me contente de me balader à pied pour aller chercher mon ticket de bus puis aller au cinéma. Devant le choix astronomique dont je dispose, je me rabat sur Valiente, le dernier Pixar (Rebelle en français) en version espagnole. C'est pas mal. La volonté affichée de faire un film ou le personnage féminin n'est pas une princesse terne et passive et tout à leur honneur, mais bon y'a quand même encore pas mal de truc à revoir (exemple: sa mère lui répète tout le temps ce que doit être ou ne pas être une princesse, et ça ne l'intéresse pas; mais pour sauver sa mère, elle doit quand même mettre ce qu'elle lui a appris en pratique — la couture. Évidemment, sa mère lui fout la paix à un moment donné du film, mais n'empêche, faudrait surtout pas qu'elle rejette TOUT ce qu'on lui a appris. Elle a droit à un peu plus de liberté parce qu'elle l'a mérité, mais faudrait voir à pas trop s'éloigner de sa nature quand même.). Je sais pas pourquoi mais chaque fois que la musique (celtique) commençait, je me mettais à pleurer, sans absolument aucune raison liée à l'histoire. Soit j'étais très fatigué, soit l'Irlande me manque vraiment plus que je ne pouvais l'imaginer. Hmm.


1: C'était en fait la seule classe disponible à bord de ce bus et également le seul bus qu'on pouvait prendre. Rien à voir avec une volonté marquée de se différencier du commun dans nos déplacements.
2: Ouai, alors au début, j'avais vaguement prévu d'écrire ça du point de vue du chien, mais alors là j'ai une de ces flemme de le faire...
3: Mais c'est pas grave, j'ai développé une technique jedi pour ne pas m'énerver, ne pas paniquer et ne pas voir les minutes s'écouler.
4: Forcément, y'avait Ellen Page...
5: Plus claires que celles du Nord ou du Royaume Uni par contre.
6: Je dois être le mercredi à Santiago, donc rentrer le lundi à La Paz, ce qui est le jour où ils ont prévu d'aller au lac Titikaka. Du coup, comme je suis pas fan de La Paz et que quand même ce serait bête de rater Titikaka, je pars en avance.

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