jeudi 5 juillet 2012

¡Vamos al Norte!

De retour de Pucón et après une journée de repos à Santiago chez le compañero S., je prend l'avion pour la ville chilienne le plus au Nord du pays: Arica, située à une vingtaine de kilomètres du Pérou, à l'extrême nord du désert d'Atacama où je m'apprête à aller.

Malgré la courte nuit, je fais l'effort de rester éveillé dans l'avion qui fait le trajet Santiago - Arica (en 2h30, soit le temps pour aller à Stockholm approximativement), au moins le temps d'apprécier le survol de la Cordillière dont les sommets enneigés transpersent une mer calme et continue de nuages. À l'autre bout du vol, la traversée de cette couche de nuage laisse directement place à la ville, au désert et à la Cordillière, un spectacle qui vaut largement de s'épargner les 35h de bus nécessaires pour rallier la ville depuis la capitale. Mon premier contacte avec le désert chilien (j'ai déjà traversé un petit désert en Espagne) a lieu pendant le trajet en minibus vers le centre-ville: un longue plaine roccailleuse et poussièreuse derrière laquelle se dresse la pré-Cordillière (les sommets entre 1000 et 3500m).
La ville elle-même est assez étendue, et à part son centre où se dressent quelques immeubles, une église construite par Eiffel et un bâtiment très époque conquistadores, le reste est composé de maisons basses, cubiques, peintes en couleurs vives ternies par la poussière. Un Christ surplombe la ville depuis la colline la délimitant au sud, et on trouve un peu partout (sur des affiches, sur les rideaux de fer ou même en enseigne - Centro de ayuda espiritual) des messages de prosélytisme.

Une fois installé dans la petite chambre de mon auberge (le lit occupe presque toute la place et à part dela il n'y a qu'une vieille TV que je n'ai pas essayé de brancher), je cherche à réserver une expédition dans le parc naturel proche (à l'échellle du Chili). Je finirai par y arriver en fin de journée après m'être fait conseiller par un belge très sympa. Je visite le musée in situ de momies (trop fragiles pour être déplacées, un musée a été construit sur le lieux de leur découverte), je me balade en ville et je pousse jusqu'au spot de surf plus au nord pour regarder le soleil se coucher dans l'océan. Ce ne sont pas les rouleaux des films ou des spots des magasins de surf ou skate, mais ce sont quand même des vagues plus impressionantes qu'à Moliets, et les panneaux "zone inadaptée à la baignade" ou "zone à risque de tsunami" finissent de me convaincre!
En rentrant, je constate qu'à 18h, tous les restaurants sont fermés et je me rabat sur une sandwicherie oú je me prépare à me faire arnaquer, avant d'être agréablement surpris par la hamburgesa servie. J'en profite pour signaler que les chiliens raffolent de l'avocat, qui s'appelle ici palta et qui se mange principalement écrasé en accompagnement, sur du pain (y compris au petit-déj') ou dans les sandwichs.
Le lendemain, en revenant de l'expédition qui sera racontée dans le prochain post, j'ai droit à mon arnaque en achetant une empanada toute petite une fortune, et en apprenant (à mes dépends) que jaiba signifie crabe. Mais bon, l'apprentissage par l'erreur est formateur.
Aujourd'hui, après une grasse matinée bien méritée (enfin, levé 10h c'est pas fou non plus, hein) et passée à terminer un recueil de nouvelles de Bukowski, je file vers le musée archéologique de la ville, dans la vallée d'Azapa à l'est. Moins grand que je ne l'aurais cru, j'ai malgré tout du mal à me concentrer sur les panneaux, à croire que voir des morceaux d'os taillés ou de tissus m'intéresse moins que les délires psycopathes des artistes contemporains. Ceci dit, la civilisation antique ici présentée, les Chinchorro, pratiquait la momification et ils ont utilisé durant leur existence quatre techniques différentes que je vais vous présenter (par ordre chronologique), en cas d'apocalypse nucléaire, cela peut servir pour refonder des civilisations primitives.
Momias negras: la technique la plus complexe et celle qui réclame le plus de connaissances. Il faut commencer par complètement désarticuler le corps, extraire les organes et les muscles puis reformer le squelette en le renforçant avec du bois ou des nattes. Ensuite, remplir les cavités et le crâne avec de l'argile, des végétaux et des cendres (on est à proximité d'un volcan!). Pour finir on remodèle le corps en argile grise, on remet la peau, on pose une perruque de cheveux courts et on rajoute les attributs du visage et du sexe à l'aide d'une peinture rougeâtre.
Momias Rojas: tout commence par des incisions dans l'abdomen (et d'autres parties du corps dont j'ai la flemme de chercher la traduction) pour retirer les organes et une partie de muscles. On détache la tête pour extraire le cerveau, on assèche les cavités avec des braises et on renforce la colonne vertebrale avec du bois. On comble les trous et le crâne avec divers matériaux. Il ne reste plus qu'à modeler le visage, mettre une perruque et peindre le corps en rouge.
Momias con vendajes: une variation de la précédente, à ceci près que l'on remet la peau sous forme de bandages (parfois on utilise de la peau de pélican)
Momias con pátina o capa de barro: technique la plus récente, se pratique à priori sans toucher à l'intérieur ni renforcer le squelette, elle consiste à désécher le corps puis à le recouvrir d'un mélange de boue et d'aglutinant protéiné.
La parenthèse morbide se referme ainsi. Je retourne en ville voir le nouveau SpiderMan au cinéma, en espagnol (El Hombre Araña), sinon c'est pas drôle. Je me marre tout seul en attendant le début du film devant le surréalisme de la situation: je suis au bout du monde et je vais voir SpiderMan le jour de sa sortie dans une langue où je risque de rater 50% des rares dialogues et en plus je me trimballe un paquet de pop-corn pour pas faire les choses à moitié. En tout cas le film est divertissant, le personnage plus proche du comics que celui des films de Sam Raimi (Peter Parker est un vrai lycéen, nerd mais pas caricatural, il skate - il y a des équations écrites sous ses skates! j'approuve! - et arrive à peu près à avoir une vie sociale; il doit fabriquer ses propres lance-toiles) mais les traversées de New-York me paraissent toujours aussi peu crédibles du point de vue de la physique! Ce qui est dròle avec le fait de ne pas comprendre les longs dialogues, c'est de réaliser que l'on comprend quand même le gros de l'histoire (certes, je la connaissais déjà) et que ça révèle bien la vacuité du truc!
Dernière remarque de gringo dressé à la culture US: il y a une base militaire pas loin d'Arica, du coup plein de militaires en uniforme en ville. Comme c'est le désert, l'uniforme est couleur sable et comme nos copains étatsuniens ont eu le bon goût de démarrer deux guerres de dix ans au Moyen-Orient, j'ai tendance à me représenter les soldats US en uniforme sable, d'où une seconde de doute à chaque soldat croisé ici: mais que font les USA à Arica? Et puis je me souvient que quand ils veulent intervenir ici, ils n'ont pas besoin de se déplacer, il leur suffit de financer les militaires locaux qui ont su prouver leur zèle par le passé...

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